• LA BICHETTE ET LE PRISONNIER

     LA BICHETTE ET LE PRISONNIER

    Durant mon enfance, et encore maintenant d’ailleurs, j’ai été profondément choquée et peinée, triste à me morfondre en regardant « Bambi » en dessin animé. Je sortais de ces projections en pleurs et j’aurais voulu adopter le petit faon.

    Je n’ai jamais pu emmener mes  enfants ni mes petites filles voir ce film, je trouvais ça cruel et je craignais qu’ils soient, tout comme moi, traumatisés.

    Déjà mon affection allait vers ces cervidés paisibles, élégants, tranquilles et je n’ai jamais compris qu’on puisse leur vouloir du mal et les tuer. Je hais les chasseurs, cruels et sans cœur. Non la chasse ne peut être un sport, ni un plaisir.

     Je vais vous narrer l’aventure de mon Père et de sa bichette : un peu « la vache et le prisonnier ».

     Pendant la guerre, mon père faisait parti des maquisards en Auvergne. Il a été capturé, envoyé en travaux forcés puis déporté . De son séjour en camp, nous n’avons eu, jusqu’à son dernier souffle aucune confidence de ce qu’il avait pu vivre.

    La seule chose qu’il nous ait racontée, à l’infini, c’est cette aventure qui avait su lui redonner un peu de joie après des jours qu’il avait du vivre atrocement. Ses enfants et petits enfants connaissent bien cette histoire qui leur a fait aimer encore davantage, avec une tendresse infinie, les faons, les biches, les cerfs et les animaux au général. Il racontait qu’il avait réussi à s’échapper du camp, on ne sait comment car pour lui ce n’était pas racontable, et que sur le chemin du retour, en passant par les forêts, il avait recueilli et soigné une jeune bichette  tachetée  abandonnée ou perdue, blessée à une patte. Il lui avait mis une attèle de fortune, il avait déchiré le bas de son pantalon pour resserrer le morceau de bois qu’il avait posé. Il ne pouvait l’abandonner ainsi et la bichette l’a suivi jusqu’à son retour en Auvergne. Mon père la nourrissait avec ce qu’on lui donnait quelquefois dans les fermes où il trouvait l’hospitalité, du lait, du pain, des céréales. Le chemin fut plus long puisque la bichette ne pouvait marcher normalement. Il l’avait appelée tout simplement « bichette » et elle répondait à ce nom.

    Elle le suivait partout, elle logeait dans l’étable que mon père lui avait aménagée dans la ferme de mes grands parents et il parait que le matin, elle appelait mon père jusqu’à ce qu’il vienne la chercher avec une gourmandise, elle entrait dans la maison, sortait, mon père l’emmenait manger dans la forêt. Elle s’amusait à gambader, elle était heureuse. Elle a toujours été reconnaissante envers mon père, lui léchant les mains et le visage. Elle mangeait même du cantal et du lard blanc et le regardait prendre ses repas en espérant recevoir quelque chose, elle adorait les gaufrettes.

    C’était une réelle complicité entre l’homme et l’animal normalement sauvage. Mon père, à l’époque était fromager et habitait une partie de l’année un buron en montagne pour la préparation du cantal. La bichette partait avec lui. Elle était libre toute la journée et lorsque mon père sifflait le soir, elle arrivait et rentrait dans le buron pour dormir. Elle  était devenue biche mais toujours elle suivait mon père.

    Quand la bichette est morte, il parait que mon père a eu un chagrin fou. Elle n’a pas été mangée mais enterrée décemment près du buron où travaillait mon père. Ce buron existe toujours et chaque fois que quelqu’un de notre famille se rend en Auvergne, il s’arrête devant pour deux souvenirs, celui de mon père décédé, et celui de l’histoire de la bichette et chacun revit cette belle histoire, voyant même mon père  sur le pas du buron et la bichette qui gambade autour de lui.

    C’est la seule et unique révélation que mon père ait faite sur sa captivité. Même ma mère n’a jamais rien su, il a du vivre des choses tellement atroces que les raconter lui aurait surement fait trop mal.

     

    LA BICHETTE ET LE PRISONNIER

    Certains racontent, d’autres ne peuvent pas, mon père était de ceux la. Secret et silencieux.

     

    PIVOINE


  • Commentaires

    1
    Dimanche 29 Septembre 2013 à 20:57

    Beaucoup de prisonniers ont tu leurs souffrances, leurs privations. Belle histoire de cette bichette. C'est une histoire bien émouvante que tu nous délivres.


    Bisous de Lydie



     

    2
    Dimanche 29 Septembre 2013 à 21:46

    re : C'est curieux comme j'ai gardé le souvenir de cet article... Toujours autant d'émotion à le lire.  Comme ton père a du être malheureux quand  Bichette  est morte.  On ne comprend les choses qu'après les avoir soi même vécu... avant on ne sait pas, on peut imaginer, mais pas ressentir. C'est une belle et merveilleuse histoire que l'histoire de ton père et de Bichette.

    Il y a des choses qu'on préfère garder au fond de son coeur et ne pas partager...

    Walt Disney était un moraliste... et même si l'histoire de Bambi est très triste, elle dénonce une réalité qui fait partie de la vie comme le souligne Walt Disney. 

    J'ai pleuré... comme tout le monde. J'ai pleuré aussi en regardant le film "Dumbo"... la cruauté des mamans éléphants qui se moquent de "Dumbo"... une horreur mais aussi une triste réalité.

    Comme toi j'ai horreur des chasseurs... et je ne me gêne pas quand l'occasion m'est donnée de leur faire savoir combien ils me répugnent... et quand nous nous baladons en voiture, nous kaxonnons toujours comme des tarés pour détourner l'attention des chasseurs et donner une chance à l'animal traqué.

    Je te remercie pour cet article.

    Je t'embrasse très fort ma douce.

    Eve

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